Un week-end à l’écart du monde
Quand on parle de chasse, on hésite toujours à se positionner sur la valeur du sujet. Au milieu des fusils, des lambeaux de chair et des repas à la viande faisandée, différentes réalités cohabitent en effet : les promenades aux accents bucoliques, agrémentées d’une touche bohême où vin et charcuterie sont consommés au cœur d’une clairière automnale ; le bruit sec et puissant d’une détonation fendant le silence dominical, en marge d’une civilisation remplissant ses paniers au marché, priant à l’église ou se laissant dorloter par une vacuité bienheureuse ; l’affrontement, où se mêlent crainte et respect, entre l’homme et la nature, bataille à la fois symbolique et futile, au cours de laquelle le chasseur communie avec les éléments, trimballant dans sa besace quelques cadavres innocents, trophées d’une saison qui s’annonce réussie… A chacun, finalement, de prendre le plaisir qu’il y recherche.
Adversaire d’exception
Pour les Normands et leurs paysages bocagers, partir à la chasse au Lyon relève plutôt d’une aventure exotique, pour ne pas dire d’une quête héroïque où, à la manière de Marco Polo, la découverte d’un bestiaire façonne tout autant la connaissance que l’imaginaire : elle ne se borne pas à tuer un animal, pour l’exposer dans une galerie bigarrée par la sauvagerie et la noblesse, elle construit la réalité de moments exceptionnels. D’aucuns pourraient penser que la bête qui entrera dans l’enceinte caennaise samedi, en fin de journée, a perdu de sa prestance et que d’autres chimères règnent dorénavant sur la jungle du football français, à commencer par l’ogre parisien, qui laisse la vie sauve à ses victimes uniquement pour garder un peu de place dans son estomac et engloutir un plus gros gibier la semaine suivante.Lyon reste toutefois touché d’une aura et d’une histoire que personne n’oserait lui contester : porté vers l’attaque que ses dispositions félines rendent nécessairement gracieuse, sa simple présence offre la certitude d’un spectacle rare, tout en faisant naître l’envie d’un exploit.
L’incertitude d’une bataille héroïque
Si la chasse au Lyon continue de proposer un rapport de force déséquilibré pour un chasseur plus habitué à lever quelques lièvres, l’animal est aujourd’hui en vue, à un pas, pas plus.Alors il n’est plus temps de reculer… Au moment de se décider à affronter le roi des animaux, même descendu du haut de son trône, la nature se taira peut-être un temps et les images, victorieuses ou décadentes, des derniers face-à-face viendront garantir un peu plus de solennité à ces instants suspendus. Alors, à la faveur d’un premier sifflement, les gestes de chacun commenceront à se déployer, accompagnés des hourras d’une nature toute tournée vers ce spectacle, pour une fin qu’on ne saurait prédire, mais pour une bataille qu’on espère déjà héroïque.