La possibilité d’une île
Une des places fortes de Nantes, l’un de ses plus beaux fleurons, est très certainement occupée par les Machines de l’île. Que les supporters caennais se rassurent : on ne qualifie pas de la sorte les Canaris, même si, en hommage au Grand Eléphant, Miguel Cardoso mise avant tout sur la défense. Tout de bois et de métal vêtus, les Machines, c’est une araignée, une chenille, un carrousel, une fourmi, le projet d’un arbre géant, avec un héron central. Un truc d’envergure, quoi, Kita à imposer de lourds investissements. Mais pour le président nantais, l’habitude n’est pas de se rongier les sangs, lui qui par le passé sala la note.
La carte et le territoire
Arriver à Nantes, c’est prendre le risque pour les Bleu et rouge d’être déstabilisés, surtout quand on vient de changer de pelouse : les voies nommées « avenues » sont aussi larges que des ruelles et, pour faire croire aux Caennais qu’ils sont en territoire ennemi, quelques noms sont là pour amener de la confusion. Finalement, les Conquérants devront gravir la Tour et contourner l’enceinte de Bretagne. Pour les Normands, ces appellations peuvent faire figure de dédale de béton (en tout cas, ne laissent pas de marbre). Mais pas de panique : pour battre les Nantais, il suffit de s’acclimater à la géographie locale, prendre l’adversaire à son propre jeu pour mieux l’endormir comme un loir. Et s’il se réveille en cours de partie et tente de sortir de son lit, il faudra alors se tourner vers d’autres affluences pour tenter de noyer le poisson et, pour que les Jaune et vert finissent dans les abymes chers à Jules Verne se jeter dans l’Erdre et le Néant.
Plateforme
Comme chez Julien Gracq, prendre la mesure d’une ville, ce n’est pas uniquement humer une atmosphère, arpenter des rues ou scruter des bâtiments : c’est faire danser un univers intérieur. Et comme l’imaginaire, le schéma tactique doit se plier aux contraintes locales, apprendre de l’opposition pour définir ses lignes, sur lesquelles on apposera pour les uns des mots sur les autres des gestes. A l’exemple de François Bégaudeau, il faudra que le milieu propose des ballons dans la diagonale, que chacun évite la blessure, la vraie, et que toute l’équipe décide, dès la sortie du vestiaire, de jouer juste. Avec trois points en guise de souvenir de cette belle visite, il sera alors temps de se féliciter d’avoir donné raison à son meilleur Butor (Michel, on le sait) et à son mobile, pour finalement appliquer avec précision l’adage formulé par l’écrivain du coin : « La forme d’une team change plus vite, on le sait, que le corps d’un mortel ».