
La logique du chaudron
Le Chaudron stéphanois est, reconnaissons-le, un lieu chargé d’histoires autant que de fantasmes, autant d’éléments qui construisent sa dimension mythique. Mais ces composantes ne sont pas nécessairement coordonnées : peut-être ne reflètent-elles qu’une logique d’apparat, qui fait alors de l’enceinte une forteresse aux yeux de tous, alors que des failles existent, ici ou là. S’armer pour affronter l’ASSE, c’est justement contourner cette cohérence fantasmatique, pour s’insinuer dans l’inconscient de l’adversaire, l’allonger sur le sofa, l’analyser pour mieux tenter de trouer le chaudron et mettre en lumière de profondes contradictions. Faire ce qu’il faut pour mettre en exergue les dissonances, pour détourner ou retourner la sophistique d’une formulation. En des termes footballistiques et psychanalytiques, pour éviter le poids du chaudron, encore faut-il le cuisiner.
La beauté ne sale pas la marmite
Affronter le chaudron, c’est aussi être en mesure de faire quelque chose de sa vieille marmite qui, en allant chercher quelques bonnes recettes, permettrait aux Malherbistes de faire la meilleure soupe. Et n’ayons pas peur de répondre par avance aux critiques qui pourraient s’élever, alors que nos irréductibles joueurs tourneraient leur longue cuillère en bois, pour haranguer ces gaulois définitivement réfractaires au changement : quand la dynamique est bonne, quand les plats sont savoureux, à quoi bon changer de crèmerie ?Surtout qu’en football plus qu’en d’autres domaines, et y compris à Saint-Etienne, l’herbe n’est pas nécessairement plus verte ailleurs. Il faudra alors réunir les bons ingrédients : une base solide, voire épaisse, avec un mélange de Baysse, Oniangué et Fajr pour structurer le repas ; une profondeur en bouche permise par Ninga et Beauvue ; une pointe de délicatesse, le secret d’une touche de Khaoui ; un peu de Samba, juste avant de servir, pour un dressage spectaculaire. Non, pour les Normands, la potion n’est pas nécessairement magique : elle relève plutôt du bon dosage de chef Mercadal. Pas de banquet, non plus, mais un art simple, fait d’humilité et d’efficacité. Ce qui n’empêchera pas à la marmite du soir de dire au chaudron : « Tu as le derrière noir ! ». Car, oui, avec trois points de plus, il serait alors possible de regarder la batterie de cuisine stéphanoise tout autrement.