Grégory TAFFOREAU : "J'appréhende le manque..."

TAFFOREAU051211.jpgAgé de 35 ans, le défenseur latéral du SM Caen a annoncé qu'il mettait un terme à sa carrière de footballeur professionnel. Lors du long entretien qu'il nous a accordé, il explique pourquoi il a pris cette décision, raconte ses souvenirs et évoque son avenir. Taf' dit tout.

 

Greg, comment décide-t-on d'arrêter sa carrière ?

On est plus contraint qu'autre chose... A partir du moment où les douleurs au dos étaient récurrentes, je n'ai pas eu trop le choix. Je n'ai pas pris cette décision par gaieté de cœur, c'est certain. Mais après, il s'agit de choisir ce qui est le plus raisonnable. Et là, arrêter était malheureusement devenu une évidence.


Quel a été le moment où tu t'es dit "c'est fini, j'arrête" ?

Après avoir repris le footing en juillet-août, je me suis ensuite ré-entraîné. Et là, je me suis rendu compte qu'il était très difficile pour moi de recourir, je ressentais de vives douleurs qui m'empêchaient de répondre à l'effort. Quand tu as déjà énormément de difficultés à t'entraîner, il est juste impensable de s'imaginer en match... Il était logique qu'après l'opération il y ait des douleurs. Mais là, c'était trop et il n'y avait aucune amélioration ! Forcer dessus, ce n'était donc pas prudent du tout.

 

De quoi souffres-tu précisément ?

En fait, j'ai un problème d'arthrose au niveau discal. Dans la vie de tous les jours, ce sont des douleurs qui peuvent être handicapantes. Il y a des choses simples que j'ai beaucoup de mal à faire. Par exemple, ramasser des objets par terre, c'est compliqué. Le matin, au réveil, il me faut aussi pas mal de temps pour "déverrouiller" mon corps. Au quotidien, il faut que je m'habitue à faire certaines choses différemment, à utiliser mes cuisses plutôt que mon dos pour me pencher... C'est censé s'améliorer avec le temps. Mais, pour cela, il faut reconsidérer certains gestes basiques.

 

Cristiano, Beckham et "cet autre monde"...

 

Si l'on revient sur ta carrière, quels entraîneurs t'ont le plus marqué ?

Il y a d'abord Claude PUEL car c'est l'entraîneur qui, à Lille, m'a fait changer de statut. A cette époque, on a participé plusieurs fois à la Ligue des Champions, on terminait régulièrement aux premières places de Ligue 1 et c'est lui qui m'a aussi filé le brassard de capitaine. C'est pour ça qu'il a été si important dans ma carrière. Je pense également à Vahid HALILHODZIC que j'ai connu lors de ma première saison à Lille. Vahid, c'était... assez brutal ! Il m'a fait énormément progresser mais c'est vrai qu'il avait une méthode à l'ancienne. C'était très physique, il fallait s'accrocher ! Enfin, il y a Pascal THEAULT, mon formateur qui est aussi l'entraîneur qui m'a fait débuter en pro. Je faisais partie avec Titi DEROIN, Jérôme ROTHEN et Johan GALLON des jeunes auxquels il a fait confiance lorsqu'il a repris l'équipe pro.

 

Adversaires ou coéquipiers, quels joueurs t'ont le plus impressionné ?

A l'époque de Caen, ROTHEN et BODMER qui était déjà très doué. Ensuite, des mecs comme Kader KEITA, HAZARD, ACIMOVIC ou ODEMWINGIE étaient très forts à Lille. En Ligue des Champions, j'ai eu la chance d'affronter Cristiano RONALDO, BECKHAM ou GIGGS. Ces joueurs-là, c'est un autre monde. Quand je les vois aujourd'hui à la télé, ça me fait plaisir de me dire qu'un jour, je les ai joués...

 

Qu'est-ce qui nourrit ta fierté lorsque tu penses à ta carrière ?

Je suis principalement fier d'une chose : n'avoir connu que deux clubs. Aujourd'hui, changer de club, c'est malheureusement devenu monnaie courante. Mais, moi, j'ai la satisfaction de me dire que ma carrière ressemble à ce que je suis. Dans la vie, je suis quelqu'un de fidèle et ces deux clubs - le SM Caen et le Lille de l'époque - véhiculent une vraie identité, quelque chose de fort sur le plan des valeurs.

 

"On a l'impression de ne savoir faire que ça..."

 

Malgré tout, as-tu des regrets ?

Monaco, c'est le seul autre club en France qui m'aurait fait envie. A un moment, lorsque j'étais à Lille, les dirigeants monégasques s'étaient manifestés et il ne s'en était pas fallu de grand-chose pour que ça se fasse. Pour une raison que je ne saurais expliquer, c'est un club qui m'a toujours branché... Après, l'étranger aurait pu m'attirer. Quelques clubs anglais m'avaient contacté mais PUEL avait immédiatement mis son veto. En réalité, mon seul grand regret, c'est de mettre un terme à ma carrière de cette façon-là.

 

C'est-à-dire ?

Quand tu fais ce métier, tu rêves toujours d'une belle fin, d'un dernier match choisi. Donc là, il y a effectivement un goût d'inachevé. Actuellement, ce sentiment est présent mais, me connaissant, il ne devrait pas rester longtemps. Les regrets, les remords, ça ne sert à rien. L'idée, c'est toujours de se projeter sur ce qui va suivre car ressasser, c'est finalement inutile. C'est toujours comme ça que j'ai fonctionné, je ne vais pas arrêter maintenant.

 

Quelques jours après avoir pris cette décision, qu'est-ce qui occupe ton esprit ?

Je suis parti de chez moi (Bois-Guillaume en Seine-Maritime) à l'âge de 14 ans, je ne vis que pour le foot depuis plus de 20 ans. C'est considérable. Tout s'est enchaîné, je n'ai jamais trop géré les choses. C'est bête à dire mais, parfois, on a l'impression de ne savoir faire que ça. On se dit qu'avoir une vie plus "classique", ce sera très compliqué. Aujourd'hui, je suis dans la période de transition, je ne ressens pas encore le manque. Mais je sais que, dans quelques semaines, ce sera autre chose... Le foot de haut-niveau, c'est une drogue. Et actuellement, je suis dans la phase où j'appréhende le manque...

 

"Sans ces petits trucs, il y aura un manque..."


D'après toi, qu'est-ce qui te manquera le plus ?

Le parfum de la compétition, la petite adrénaline, la pression. Tout ce qui entoure un match officiel, la petite boule au ventre avant d'entrer sur le terrain... Tout ça, c'est une aventure humaine, des moments à part, des choses qui te marquent à vie... Et, forcément, sans ces petits trucs, il y aura un manque.

 

T'as des vrais amis dans le foot ?

Très peu. C'est un milieu où il faut se méfier de beaucoup de choses et ce n'est donc pas forcément l'endroit idéal pour créer des amitiés. Les vrais amis dans le foot, j'en ai quelques-uns : Geoffrey DERNIS, Stéphane PICHOT, Fabrice CATHERINE, Mathieu DEBUCHY ou Mathieu BODMER.

 

C'est dur une vie de footballeur professionnel ?

On ne peut pas se permettre de dire ça, on n'a pas le droit de se plaindre. Mais ce qui est sûr, c'est que c'est plus compliqué qu'on l'imagine. Physiquement, déjà, tu tires sur ton corps tous les jours. Ca peut, d'une façon ou d'une autre, être traumatisant. Ensuite, une carrière, ça tient à peu de choses, une blessure peut tout foutre en l'air (sic). Alors, oui, si le foot se passe bien, tu ne t'en plains pas. Mais sinon, ça peut être pesant. Tu es footballeur 24 heures sur 24. Quand tu sors, c'est toujours le sujet de conversation qui revient. Le foot, c'est ta vie. Et c'est parfois si présent que s'intéresser ou penser à autre chose, ce n'est pas si simple.

 

Désormais, à quoi va ressembler ta vie ?

L'intérêt, c'est de vite retrouver une occupation. Car ne rien faire, c'est juste insupportable. Je vais faire autre chose. L'idéal, ce serait que ma reconversion se fasse dans le foot. Et, plus précisément, au Stade Malherbe. On en a discuté avec les dirigeants, ça pourrait être intéressant mais absolument rien n'est encore défini.


"Malherbe m'a sorti de la m..."

 

Justement, quelle place occupe le SM Caen dans ton cœur ?

Quand j'ai été mis à l'écart lors de ma dernière saison à Lille, je m'étais presque résolu à finir là-bas dans l'anonymat le plus total. Apprenant ma situation, Franck DUMAS et les dirigeants caennais s'étaient alors manifestés pour savoir si revenir à Caen m'intéressait. Pour ça, je leur dois beaucoup. A ce moment-là, c'est Malherbe qui m'a sorti de la merde (sic). Je pense avoir renvoyé l'ascenseur, ne serait-ce qu'en consentant alors d'importants efforts financiers. Même si j'aurais aimé apporter encore plus ces deux dernières saisons, l'expérience est positive. De part et d'autre, il n'y a aucun regret. C'est l'essentiel car le SM Caen occupe une place très importante dans ma vie.

 

Il y a treize ans, tu débutais en pro. Quand tu repenses au jeune homme que tu étais à l'époque, tu te dis quoi ?

Il y a eu du chemin parcouru ! Cette carrière est passée à une vitesse phénoménale. Certains souvenirs sont si ancrés que j'ai l'impression qu'ils sont très récents. Après trois saisons de Ligue 2 avec Caen, je suis parti à Lille et, à l'époque, c'était un peu l'aventure... Là-bas, tout s'est enchaîné, j'ai joué la plus belle Coupe d'Europe, j'ai battu Manchester ou Milan. Et pour finir, je suis revenu à Caen, dans ce club que j'aime tant, là où tout a débuté. Je suis fier de ce que j'ai vécu et c'est déjà beaucoup...

 

Quelle image aimerais-tu que les gens gardent du joueur qu'était Grégory TAFFOREAU ?

Plus tard, j'aimerais qu'on dise de moi que j'étais un joueur qui avait l'amour du maillot, un joueur courageux qui suait pour son club. On en revient toujours au même, à savoir que c'est une question d'identité et de respect par rapport aux gens qui m'ont, un jour ou l'autre, accordé leur confiance.

 

En bref

Grégory TAFFOREAU a 35 ans. Il est né le 29 septembre 1976 à Bois-Guillaume (Seine-Maritime).

Au cours de sa carrière, il a porté les couleurs du SM Caen (1990-2001/2009-2011) et du Lille OSC (2001-2009), disputant 243 matches de Ligue 1 et 20 de Ligue des Champions.

En pro, il a évolué 128 fois sous la tunique malherbiste, inscrivant un but. Son dernier match : Nancy-Caen (2-0, 12/03/2011).

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