
Les sénateurs du CFA
Nous sommes en décembre 1957. Le FC Nantes est alors une pâle équipe de deuxième division professionnelle. Les Caennais, quant à eux, ont récemment été nommés « sénateurs de CFA ». Il est vrai que les Normands vivent des années d’embellie. Bien installés au plus haut échelon amateur, ils sont passés maîtres dans l’élimination des équipes professionnelles en Coupe de France. Et alors que se profile ce sixième tour de la compétition, le moral des Bleu et rouge est regonflé à bloc, malgré une saison championnat en demi-teinte : après la victoire contre Lens au tour précédent (2-0), l’occasion est belle de se montrer une nouvelle fois à son avantage face à la France du football. Si les velléités victorieuses normandes ne seront finalement pas comblées, les joueurs d’André Grillon vont écrire une nouvelle page exceptionnelle de leur histoire dans la Coupe de France, en signant l’opposition la plus longue dans la compétition. En effet, il ne faudra pas moins de cinq matchs et de 469 minutes de jeu étalées sur un mois pour que les hommes de Loire-Inférieure l’emportent !
Le football, un théâtre en cinq actes
Les deux premiers actes, joués successivement au Parc des Sports de Venoix et au Stade Malakoff de Nantes, sont à l’avantage des Jaune et Vert. Mais le but de Zaetta est, lors du premier match, logiquement refusé pour un hors-jeu, tandis qu’une semaine plus tard les montants de Brandao sauveront par trois fois les siens.Le premier match d’appui est joué au Stade Grandmont de Tours, pour une nouvelle domination stérile, des Caennais cette fois-ci, qui parviennent à toucher les montants d’Eon. Les esprits s’impatientent, et la légende s’écrit minute après minute. Le quatrième acte ajoutera un caractère épique à une rencontre qui commence déjà à passionner tous les adeptes de ballon rond.De nouveau organisée à Tours, la rencontre débute par un but casquette de Zaetta, placé sur la trajectoire du dégagement de Lachèze (3e). Mais au bout de 20 minutes, l’arbitre, Monsieur Chavigny, renvoie tout le monde au vestiaire : les pluies torrentielles qui s’abattent sur la région rendent la pelouse, qualifiée par le correspondant nantais d’« étang », impraticable… La presse, qui parle alors de « match maudit », décide de retransmettre le match suivant, qui se joue le 12 janvier 1958 au Mans, en direct. Toute la France suit maintenant une rencontre qui ne finit pas. Mais un nouveau coup du sort clôt définitivement les débats, Bouteiller réussissant enfin à tromper Brandao. Nantes l’emporte, mais au terme d’un marathon douloureux, qui ne l’arrangera pas le tour suivant. Joué quatre jours plus tard, le 32ede finale face à Bordeaux est un véritable chemin de croix. Résultat : 3-0 pour les Girondins et une fracture du bras pour le gardien Eon. Après presque huit heures d’opposition, Caennais et Nantais entrent définitivement dans l’histoire, en ayant joué le match le plus long de la compétition, record qui n’est pas près de tomber. Un impact assez fort pour que, quelques semaines plus tard, la Fédération décide que, dorénavant, les prolongations se joueront en deux mi-temps de quinze minutes.